Œuvre en chantier – Digital Fragments 418
Quand je commence un tableau, je ne sais pas où je vais. Et c’est volontaire. Je ne pars pas d’une idée, ni d’une structure. À la place, Je commence par unepalette de couleurs, souvent déclenchée par un motif ou un objet d’art — un tableau, une sculpture, un fragment de textile, une installation — que j’ai glané au fil du temps. Très souvent, c’est au cours de mes visites de galeries, de musées, d’expositions ou de foires d’art contemporain, ici comme à l’étranger.
Ce n’est pas tant l’objet lui-même qui m’intéresse, mais plutôt ce qu’il évoque : une ambiance, une vibration, un souvenir de surface.
Puis vient un geste. Libre. Souvent injustifié.
Je l’observe. J’essaie alors de comprendre ce qu’il appelle, ce qu’il refuse. Et peu à peu, je continue à poser des formes, des textures, parfois à les effacer. Je ne cherche pas à faire apparaître quelque chose — je veux voir ce qui ressort. Ce qui insiste.
Ce n’est pas de l’improvisation. C’est une écoute.
Tu ne peins pas pour construire,
tu peins pour révéler les lignes de fuite.
Ce n’est pas le motif qui guide.
C’est la blessure qu’il ouvre, et la lumière qui s’y engouffre.
— Ego Klar
Ce que l’image me révèle
Quand l’œuvre semble terminée, je prends du recul.
J’essaie de comprendre à quoi elle me fait penser. Pas ce que j’ai voulu faire — mais ce qu’elle m’impose maintenant qu’elle est là.
Dans le cas de Digital Fragments 418, ce sont les lignes transversales, les zones de rupture, les blocs hachés qui m’ont interpellé. Une sensation étrange, presque militaire. Et soudain, une image : le camouflage Dazzle des navires de la Première Guerre mondiale.
Des peintres, nombreux, ont été enrôlés à cette époque. Et beaucoup ont été affectés à la conception de ces motifs. Ce n’était pas une simple dissimulation : le but n’était pas de rendre le navire invisible, mais de troubler la perception. D’empêcher l’ennemi d’en deviner la direction, la vitesse, la nature.
Et si mon travail procédait de la même logique ? Ne pas cacher, mais dérouter. Déformer pour préserver un certain mystère. Rendre le regard incertain, et dans cette incertitude, créer un espace d’écoute.
Ce n’est pas une ruse, c’est un masque.
Le fragment se peint pour ne pas se laisser prendre d’un seul coup.
Il veut flotter dans l’œil, comme un navire rayé dans le brouillard.
— Ego Klar
Voir l’œuvre complétée : Digital Fragments 418